Le Cap- Terrasses et jardins

Samedi soir, 18 :00, message de Y :

« Hello, je suis à la guesthouse ! J’ai repéré un resto où ils font du Poké…Très simple et pas cher (60-75 R)… ça te tente ? »

Je n’ai jamais testé les Poké (plat hawaïen, et dernière mode culinaire …), donc c’est parti ! On retourne, pour la énième fois pour moi, à Lower Main Road et son agglomération de restaus et bars, et où se finit la fête de rue que j’avais déjà traversée ce matin. Y., ma co-facilitatrice cette semaine, rit des vêtements parfois psychédéliques de certains (‘oh non, chez nous même dans les festivals on ne vend plus ça !’), de la programmation musicale parfois assez vintage (Suede et tout ça), et j’ai brusquement un flash- c’est ça, ce quartier me fait penser au faubourg de Londres de la fin des années 90 où j’ai fait mes études, et à d’autres où vivaient des amis. Même proportion de Blancs et de Noirs, même style vestimentaire, et même atmosphère euphorique autour des bars et restaurant dont des flots de musique sortent ; certains font l’effort de cacher leurs bières dans des sacs en papier, d’autres n’ont aucun problème à boire leurs cannettes ouvertement, assis sur un rebord du trottoir. J’avais déjà cette impression lorsque jeudi soir nous avions trouvé une terrasse dans une petite rue adjacente pour un apéro et repas bien mérité après la fin de la formation : l’architecture très anglo-saxonne de la grande maison, les grilles basses qui séparent l’étroite terrasse de la rue, les coussins éclectiques sur les banquettes le long du mur et le style versatilement anglais des clients, et voir passer sur le trottoir des jeunes qui ne dépareraient pas sur un campus britannique. Toujours étrange pour moi, ces mondes qui cohabitent dans la même ville, j’aimerais bien en parler avec les gens mais je ne sais comment l’aborder sans tomber dans le drame. Parce que les séquelles de l’apartheid sont encore là ; certes certaines des conversations que j’ai eues avec mes collègues noires étaient très typiques d’une classe moyenne globalisée (la maman qui ne veut pas que son enfant mange de sucre, ou qui a décidé avec son mari qu’un enfant c’était largement suffisant, l’autre qui parle du voyage solo de six mois qu’elle a prévu de faire), ce qui s’explique par le fait qu’ils sont tous superviseurs ou managers (donc pas les plus déshérités de ce pays) ;  et puis quand on leur demande, comme pratique pédagogique de nous apprendre une danse, ils choisissent le toyi-toyi, le pas de danse/manifestation de l’époque de l’apartheid , et la même première maman conclut la démonstration en disant ‘et on s’y remettra la prochaine fois qu’ils nous couperont l’électricité !’.

 

Enfin bon, j’ai quand même eu l’occasion de sortir un peu de mon petit quartier universitaire. A deux reprises pour aller manger au centre ville, dont une fois avec d’autres collègues MSF, ce qui m’a permis de rouler le long de quartiers en plus ou moins bon état, avec une architecture qui à certains endroits évoque des faubourgs américains industriels plus ou moins sinistrés, ou bien rénovés en mode plus ou moins hipster ; et puis encore et toujours Table Mountain, avec les jeux de nuage parfois dramatiques. Et surtout je suis allée m’aérer ce samedi après-midi – j’aurais bien aimer randonner un peu autour de la montagne, mais ce n’est pas recommandé pour une femme seule d’aller seule sur les sentiers, et Y. a préféré aller au bord de la mer. Donc le parc de Kirstenbosch sera une bonne alternative… Je saute donc dans un aussi énième Uber, qui arrive assez vite dans les embouteillages- je ne suis visiblement pas la seule à vouloir profiter du beau temps (il a fait jusqu’à 30 degrés pendant la semaine, même si ça c’est un peu raffraîchi), et les voitures font la file sur la route qui m’avait déjà emmenée en bord de mer la semaine dernière. On arrive dans les bois, le soleil radieux rend le paysage un peu moins mystérieux que la dernière fois mais les voitures semblent toujours bien petites au pied des grands arbres. Et nous voilà à l’entrée du parc !

J’ai un cliché des parcs botaniques comme le repère très tranquille de couples d’un certain âge prenant des photos de fleurs et faisant des repérages pour leur jardin. J’en verrai certains mais aussi beaucoup de familles et de groupes venus avec glacières et couvertures, qui investissent les diverses pelouses et ne semblent pas vouloir voir beaucoup plus du parc. Celui-ci est pourtant bien aménagé, avec des massifs thématiques, beaucoup de panneaux explicatifs (dont l’un qui prodigue une abondance de conseils pour un joli jardin qui ne nécessite pas trop d’arrosage, de circonstance au Cap..), et des petits parcours- mention spécial à celui qui fait découvrir le pouvoir odoréfiant de certains feuilles, j’étais enivrée par le parfum du ‘nutmeg pelargonium’. En parcourant les allées qui longent les pelouses, les massifs et sont fréquentées par des petits groupes souvent riant et criant, je vois des chemins plus terreux qui partent dans les arbres. J’hésite d’abord, puis je me lance (on est encore assez proche du centre et ils sont relativement fréquentés) et en suis fort contente. Une forêt pas aussi tropicale que celle que j’ai pu voir sur mon île guinéenne, mais quand même plus luxuriante que les notres, avec beaucoup de fougères et quelques plantes grasses. Je me sens presque à la maison, je profite du calme, des chants d’oiseaux et bourdonnement des insectes, avec très loin les éclats de voix et de rires. Je continue à monter vers l’extrémité du parc, les flancs de la montagne sont de plus en plus visibles, avec leurs rochers et camaieux de verts. Et c’est bien désolée que je redescends les petits chemins pour retourner à l’entrée du parc, car l’heure de fermeture approche, pour aller attendre un nouvel Uber tout en écoutant la musique à haut volume qui sort de la salle à l’entrée du complexe- un mariage en cours, on avait déjà vu la mariée et ses demoiselles d’honneur traverser la pelouse pour prendre des photos.

Et voilà, il me reste encore un samedi pour explorer la ville, mais en attendant, c’est reparti pour un tour, le troisième atelier commence mardi !  Au travail 😊